Critique et courants de pensées, 29/11/10.

Publié le par L1 Infocom, Cru 2010/2011.

 

Chapitre 4 : L'esthétique relationnelle.

 

Remet en cause une des grandes catégories qui nous aide à comprendre les oeuvres d'arts. Pour comprendre une oeuvre d'art, on utilise des catégories dont deux souvent utilisées : créateur et spectateur d'oeuvre d'art. Le créateur est actif car il fait l'oeuvre, le spectateur lui est passif car il regarde l'oeuvre, plus précisément, il est dans une démarche de contemplation.

L'esthétique relationnelle : Remise en cause de l'opposition du créateur et du spectateur en demandant en spectateur de participer au processus créatif.

« L'art est autant une affaire d'action que d'objets », Nelson Goodman.

 

Que doit alors faire le spectateur ?

 

Les choses deviennent plus difficiles à comprendre dès lors que l'on remet en cause les catégories existantes.

 

  1. La théorie du ready-made de Marcel Duchamp.

Dans la théorie du Ready made, il y a une redéfinition du rôle du spectateur. Duchamp n'est pas le premier à remarquer que le spectateur doit participer à la création de l'oeuvre. Il est en revanche le premier à proposer une théorie qui redéfini les rôles spectateurs/créateurs. Cette théorie est double : théorie du spectateur et théorie du créateur.

 

Premier Ready-made : « Roue de bicyclette », 1913.

 

Le Ready-made n'est pas réellement une oeuvre mais ce n'est pas non plus un objet ordinaire, quotidien, et banal. Il a un statut étrange. Un Ready-made est un objet qui questionne le statut des oeuvres d'art. Il a pour but d'interroger et de mener à une réflexion.

Il y a une dimension esthétique dans cet objet avec les couleurs (noir/blanc), les formes.

 

Deuxième Ready-made : « Porte-bouteilles », 1914.

 

Objet auquel il n'a apporté aucune modification à part sa signature.

 

Troisième Ready-made : « En prévision du bras cassé », 1915.

 

Définition de Duchamp : c'est un objet manufacturé (fait de la main de l'homme), modifié ou non, et prévu/promu au rang d'oeuvre d'art par le seul choix de l'artiste.

Sa théorie a donné lieu à l'apparition du design. L'objet est choisi sur une indifférence visuelle totale. Il parle même d'objet « anesthétique », c'est le musée qui donne la dimension esthétique. Duchamp imagine des Ready-made inversés : prendre une oeuvre d'art et la ramener au rang d'objet quotidien. Exemple : utiliser un Rembrandt comme table à repasser.

 

En, 1916, il expose deux Ready-made dans une galerie à NY. Il a le problème suivant : les gens visitent la galerie sans remarquer les Ready-made. La même année, se fonde à NY la société des artistes indépendants, Duchamp fait parti des membres fondateurs et leur devise est « no jury, no prizes ! ». Elle (la société) décide d'organiser une exposition dans laquelle tout les artistes et toutes les oeuvres seront acceptés. Le comité fini par recevoir une oeuvre étrange : R. Mutt, « Fontaine », 1917. Plus tard, on apprendra que l'oeuvre venait en fait de Duchamp qui a signé sous un autre nom pour que sa notoriété n'influence pas la décision d'acceptation. Il décide même de démissionner devant le débat houleux entre les membres du jury au sujet de cette oeuvre. Elle a alors été presentée sans l'être car elle a été mise derrière un mur. À la fin de l'exposition, 2 125 oeuvres furent exposées qui représentaient 1 235 artistes, mais sur les 2125 oeuvres l'histoire n'en a retenue aucune à part « La fontaine », c'est à dire, la seule oeuvre que personne a vu à l'exposition.

 

Comment l'oeuvre fontaine est-elle devenue si célèbre si personne ne l'a vu ? 15 jours après la fin de l'exposition, une revue satyrique « The Blind Man » (l'homme aveugle) publie un article très important intitulé « le cas R. Mutt ». L'article dénonce le fait que l'oeuvre n'a pas été exposée à l'exposition et qu'elle ait aussi été refusée. À coté de l'article, il y a une photo faite par un grand photographe qui va rendre célèbre cette oeuvre. Le photographe est Alfred Stieglitz. Il est contacté par Duchamp sans que celui-ci lui dise qu'il est l'auteur de la fontaine. C'est alors la photo qui donne une dimension artistique à cette oeuvre. Le photographe met l'oeuvre sur un piédestal comme s'il s'agissait d'une sculpture.

 

Alfried Stieglitz appartient au mouvement pictorialiste. Il fait toujours dialoguer le premier plan et le deuxième plan. C'est un photographe qui a beaucoup photographiié l'immigration et ses amis.

Le fond de la photo de la fontaine est le tableau « The warriors » de Marsden Hartley, 1913.

Stieglitz change le sens de la fontaine de Duchamp, il l'appelle même « Boudha ou la madone des salles de bains ». Duchamp n'a pas donné ce titre à son oeuvre, on peut alors se demander lequel des deux a fait l'oeuvre ?

 

La double théorie du Ready-made.

 

Premier versant : La primauté du créateur. Toutes les oeuvres d'arts sont des Ready-made car l'artiste part toujours de matériaux qu'il transforme plus ou moins. La décision d'arrêter la transformation est arbitraire. Duchamp prend cela à la lettre dans ses oeuvres car l'acte de la création n'appartient qu'à la seule décision de l'artiste.

Deuxième versant : La primauté du spectateur => c'est le spectateur qui fait l'oeuvre d'art en acceptant d'aller la voir. Il donne alors sa reconnaissance à l'oeuvre d'art.

 

« Somme toute l'artiste n'est pas seul à accomplir l'acte de création car le spectateur établit le contact de l'oeuvre avec le monde extérieur en déchiffrant et en interprétant ses qualifications profondes et par la ajoute sa propre contribution au processus créatif. Cette contribution est encore plus évidente lorsque la postérité prononce son verdict définitif et réhabilite des artistes oubliés ». Marcel Duchamp.

 

  1. L'esthétique relationnelle en art contemporain.

 

 

Rirkrit Tiravanija, « Untitled, (One Revolution Per Minute) », 1996. L'oeuvre c'est la relation entre soi et les autres individus. Les spectateurs deviennent acteur de l'oeuvre à condition de participer à celle-ci en mangeant, regardant la télé.

L'esthétique relationnelle ne s'incarne pas dans une oeuvre mais en est le contexte/l'environnement.

 

Christophe Büchel, Untitled, 2001. Il fabrique volontairement des petites salles dans lesquelles il installe des objets à taille réelle. On ne contemple pas seulement l'oeuvre mais on en fait l'expérience physique.

 

Christian Boltanski, « Les abonnés du téléphone », 2000. Il a mit dans les bibliothèques des botins du monde entier à la disposition du public. 9/10 les gens s'installent et cherchent leur nom de familles dans les livres.

 

Simon Moretti, « A space for conversation », 2000. C'est une oeuvre dans laquelle on ne peut plus parler une fois qu'on est dans les cercles de couleurs, on doit alors communiquer par dessins sur des feuilles.

 

Article de Robert Storr ( New York Times du 28 novembre 1999) : « No stage, no actors, but it's theater (and art) ». Quatre points à retenir :

  • Les oeuvres ne survivent pas à leur présentation sauf dans la mémoire des participants.

  • Cette esthétique tend vers la performance théâtrale.

  • Dans les années 60, un critique d'art (Alan kaprow) s'intéresse au travail d'un groupe d'artistes (Gutaï) et il invente un mot pour désigner ce que fait ce groupe qui est « appenings ». Ce qui compte ce n'est pas l'objet mais ce qui arrive. La mise en scène d'un moment.

  • L'oeuvre dépend de la curiosité du spectateur.

 

Nicolas Bouriot dit que depuis l'origine, toutes les oeuvres d'arts sont relationnelles. A la base l'esthétique relationnelle :

  • Est un rapport de l'homme à Dieu.

  • Est un rapport de l'homme à la nature.

  • Est un rapport de l'homme à l'homme.

 

  1. Les limites de l'esthétique relationnelle.

 

Cy Twombly, Phèdre, 1977. (un immense carré blanc encadré sur lequel une vieille femme à embrasser le tableau pour laisser une trace de rouge à lèvre. L'artiste était furieux car il ne faisait pas dans l'esthétique relationnelle. La femme en question était une artiste coréenne et à donc déclaré qu'elle n'a pas détruit l'oeuvre mais la modifiée).

 

Carlos Amorales, « Funny 13 », 2001. Il y a dans la salle une musique de discothèque avec un mannequin qui fait signe au public de danser. Les gens hésitent entre aller danser pour faire fonctionner l'oeuvre ou ne pas y aller par peur du ridicule.

 

Vidéos de Gary Hill, « Viewer », 1996. On entre dans une salle toute noire au fond de laquelle sont projetées des personnes qui nous fixent et bougent de temps en temps. Cela crée une sorte de malaise car dans l'esthétique relationnelle on s'expose au regard des autres.

 

Conclusion :

 

Aujourd'hui, les artistes semblent de moins en moins demander aux spectateurs d'esthétique relationnelle.

 

Titien, Noli me tangere, 1511. C'est l'épisode juste après la ressurrection du Christ. Lorsqu'il sort de son tombeau il possède qu'un linceul et décide de s'habiller avec les vêtements du jardinier. Marie-Madeleine le reconnaît et se précipite vers lui pour le toucher, le Christ lui répond « Noli me tangere » qui signifie « ne me touche pas ». Lorsque le Christ a ressucité, il est devenu une personne sacrée et la distance est la marque du sacrée. L'esthétique relationnelle a supprimé la distance et l'aura/le caractère sacrée de l'oeuvre. On voit maintenant l'art comme un divertissement. Les artistes d'aujourd'hui tentent alors de recréer la distance.

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